Georges Rouault (1871-1958) - Passionnant manuscrit partiellement autographe sur Auguste Renoir - 5 pages 1/2 in-4 à l'état de brouillon - Bon état
Tandis que la première partie de l'article est annotée par Rouault, ce dernier écrit lui-même à partir de la page 4 et jusqu'à la fin. On y joint également un manuscrit (non autographe) de ce même article recopié au propre (4 pages)
- Très belle pièce -
Voici les premières pages :
"J’avais surtout d’inclination vert Renoir pour ses premiers tableaux, et recul devant les derniers Renoir, tant je trouvais qu'on était injuste avec Cézanne, vers 1905. J’ai horreur de l'intolérance, qu'elle vienne de gauche, de droite ou du juste milieu. Aussi je me défendais de mon goût pour Cézanne, et je tâchais de me montrer pour le moins sans parti pris de ce fait.
L'homme me plaisait bien en Renoir. Un an durant, tous deux silencieux, nous avons vécu côte à côte, lui d'un côté du palier, moi de l'autre. Parfois, nos regards se croisaient. Renoir était illustre, j'étais obscur. Silencieusement, je cherchais ma vraie pâture. Il me semblait l'homme de sa peinture. J'entends heureux en son effort d'artiste. Sait-on jamais cependant.
Même le dimanche, nous venions travailler, attendant dans la courette, son modèle faisant les cent pas les mains au dos, et Gabriel était aujourd'hui Paris, demain Pomone en mythologie, à la bonne franquette.
J'ignorais qu'il fut déjà menacé, souffrant. J'étais d'ailleurs timide à l'excès. Je n'eusse jamais osé lui adresser le premier la parole. Cependant, je sentais un homme cherchant la paix. Je ne voulais en rien l'ennuyer ou lui peser. Mais son objectivisme m'effrayait un peu, je dois l'avouer, bien à tort. Tout mon vieux passé légendaire que je chérissais, je craignais qu'il ne s'en moque quelque peu. Comme un fier joueur de quilles qu'il ne vint enfin à laver sa boule et à tout bousculer de mes goûts et inclinations foncières. J'aurais relevé les quilles et n'en aurais pas moins continué à aimer certains maîtres d'autrefois.
Comme je me trompais, il aimait les musées, je les aimais ou, pour le moins, certaines sélections admirables. Il avait réfuté comme moi, par la porte basse des efforts cachés et la pauvreté. J’eusse été avec lui plein de respect, et ne lui aurais pas fait payer d'avoir sur le tard tel suffrage universel, d'éloges qui parfois lui pesaient. J’eusse fait de cet instant ce que j'ai tenté depuis, oubliant tout devant l'œuvre, cherchant à comprendre la joie qu'il y aura toujours sous le ciel amoureux, à caresser des yeux la pulpe des chairs, des fleurs ou des fruits savoureux à envier ceux là qui peuvent le faire sans arrière-pensée comme d'heureux enfants comptés des yeux propices et j’eusse encore retrouvé ensuite la route où Orphée pleure Eurydice."
Envoi soigné
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